Entretien avec Evelyne Moreau, maîtresse de Raven.

Qu’est-ce qui vous a poussée à faire une demande de chien guide ?

J’ai perdu la vue à l’âge de 33 ans et je n’ai jamais réussi à m’habituer à la canne blanche. Je suis une personne qui a toujours aimé les chiens. Jeune, j’avais un berger allemand que j’aimais beaucoup. Elle n’était pas du tout éduquée pour être chien guide, mais j’y étais très attachée et j’ai attendu qu’elle me quitte pour faire ma première demande à l’École de Chiens Guides de Paris.

À l’époque je voyageais dans toute la France et à travers l’Europe, avec la canne, c'était devenu impossible. Doria, mon premier chien guide, une superbe labrador noire que j’ai eu en 1990, a bouleversé mon quotidien. Grâce à elle j’ai pu continuer mon travail et me sentir en sécurité lors de mes déplacements professionnels. Elle a révolutionné ma vie… Je n’étais pas vraiment en forme et elle m’a sauvée. Je dis toujours que mon premier chien guide m’a fait recouvrer la vue. Elle m’a permis de débloquer beaucoup de choses au niveau psychologique.

Aujourd’hui Raven est mon quatrième chien guide et je n’imagine pas ma vie sans ces merveilleux chiens.

Pouvez-vous nous parler de votre handicap ?

J’ai d’abord été malvoyante, les médecins avaient bon espoir que je recouvre la vue grâce à une opération. Je leur ai fait confiance et je me suis fait hospitaliser. Malheureusement, cela a aggravé ma situation et je suis devenue aveugle du jour au lendemain. J’ai ressenti une profonde colère, mais j’ai toujours réussi à aller de l’avant. Grâce à une réadaptation professionnelle, j’ai pu être formée à l’utilisation d’outils spécifiques qui m’ont permis de rentrer dans l’aviation civile en 1987. Rapidement, j’ai compris que mon embauche leur servait à remplir leurs quotas et je fus mise « au placard » à cause de mon handicap. 

Battante dans l’âme, j’ai toujours su rebondir dans ma vie personnelle et professionnelle et cela m’a conduite vers de riches expériences. Aujourd’hui, je mets mon savoir au service des autres en accompagnant les entreprises dans l’intégration des salariés en situation de handicap.

Comment décririez-vous vos relations avec les chiens guides que vous avez eus ? Quels changements vous ont-ils apportés ?

Je n’ai eu que des femelles et elles ont toutes été très importantes pour moi et je reste en admiration devant le travail qu’on leur fait faire, c’est fantastique ! Ce sont des chiens exceptionnels.

Doria m’a été remise lorsque j’étais enceinte de ma fille. A sa naissance, Doria a été super avec elle et d’une grande aide pour moi. Nous avons été un binôme soudé pendant 10 ans, puis elle a eu une belle retraite, bien méritée, chez mes parents, j’ai donc pu continuer à la voir tous les jours.

Les premiers moments avec Oriane, mon second chien guide, une bergère blanche suisse, furent compliqués. Il y a eu quelques ajustements au début et l’École de Chiens Guides de Paris m’a accompagnée grâce à un suivi régulier et des séances de travail. Par la suite, notre duo a fonctionné à merveille jusqu’aux 11 ans d’Oriane. Elle a ensuite bénéficié d’une retraite dorée.

J’ai toujours eu un lien particulier avec Danaé, ma bergère allemande. Je l’ai presque toujours connue, dès l’instant où je l’ai rencontrée à trois mois, j’ai su que ça serait elle. Une fois qu’elle a été éduquée, Laurence m’a confirmé qu'elle serait bien mon troisième chien guide. Nous avons toujours été toutes les deux extrêmement fusionnelles, elle est arrivée dans ma vie lors de grands changements pour moi, ce qui a renforcé notre lien. À chaque nouvelle étape elle était présente à mes côtés. Ça a été une chienne extraordinaire et je l’ai gardée jusqu’à l’âge de 12 ans. Je ne cache pas que cela a été douloureux de m’en « séparer » lorsqu'elle ne fut plus en âge de me guider. Grâce au soutien de l’École, elle est allée dans une famille retraite au moins aussi exceptionnelle qu’elle.

Lorsque c’était possible, j’ai toujours essayé d’anticiper bien en amont les départs à la retraite de mes chiens et d’enchaîner avec un renouvellement quasiment immédiat. Il m’est très dur de retourner à la canne. Cependant, en 2020 avec la situation sanitaire, je n’ai pas pu avoir un nouveau chien et je suis donc restée un an sans chien guide. Ce fut finalement une bonne chose, car je me déplaçais peu et j’ai pu faire en douceur « le deuil » de ma relation avec Danaé.

En 2021, on m’a parlé de deux bergères allemandes qui auraient pu me convenir, j’ai donc rencontré Raven lorsqu’elle avait dix mois, je l’ai revue par la suite et c’est elle qui me convenait le mieux, tant au niveau physique que comportemental. On se ressemble beaucoup toutes les deux.

Comment décririez-vous le lien que vous avez avec Raven ? Comment est-elle au quotidien ?

Cela fait trois mois que je l’ai et elle est déjà tellement mignonne. Bien sûr, nous devons encore nous perfectionner sur le plan technique, mais c’est une chienne vraiment très affectueuse.

Je n’en ai jamais eu des comme ça ! Elle adore me ramener plein d’affaires, les miennes, les siennes, elle me fait beaucoup rire. Elle est vraiment rigolote. Elle me correspond bien, elle est vive et j’ai toujours eu besoin d’un chien qui bouge

C’est un amour de chien…Encore !

Je remercie Essilor qui a financé l’éducation de ma petite Raven. Après une période sans chien guide, je peux de nouveau sortir et me sentir libre dans mes déplacements. Merci à eux et à l’École de Chiens Guide de Paris. 

Pourquoi avoir choisi l’École de Paris ?

À l’époque, c’était le tout début de l’association. J’ai visité l’École avec mes parents et j’ai été comme « obnubilée ». Quand j’ai fait ma première demande, je voulais un berger allemand et on m’en présenta deux. Ils étaient encore chiots je savais donc qu’ils ne seraient pas prêts immédiatement. Monsieur Romero savait que je n’étais pas à l’aise à la canne et que j’avais beaucoup de déplacements. Cela devenait donc urgent pour moi d’avoir un chien guide. Pendant que je faisais connaissance avec les chiots, il a fait rentrer discrètement Doria et elle est venue immédiatement jouer avec moi en m’empêchant de jouer avec les bergers. J’ai trouvé ça touchant. Au final, c’est elle qui m’a choisie.

J’ai un lien particulier avec l’École de Chiens Guides de Paris. J’ai été administratrice et vice-présidente de l’association pendant de nombreuses années. C’est une vraie histoire d’amour entre les chiens guides et moi ! Vous savez, cela nous apporte tellement un chien guide, les gens ne peuvent pas se rendre compte. Ce sont plus que des chiens de compagnie, plus que des chiens de travail… je ne peux plus vivre sans.

Un souvenir ?

Je me souviendrai toujours de ma première remise avec Doria.

« Cette chienne est très forte, si vous lui montrez un trajet, elle est capable trois semaines plus tard de vous le retrouver » m’avait-on dit. J’avais vu un itinéraire avec un éducateur et j’y suis retournée avec elle quelque temps après. Au bout d’un moment, je me suis rendu compte que nous nous étions trompé de sortie. Je la gronde un peu et nous faisons demi-tour. Au moment de tourner, Doria s’arrête net et s’assoit. Impossible de la faire avancer. Nous sommes restées « bloquées » plusieurs minutes et je ne comprenais pas son refus d’avancer. D’un seul coup, elle se relève et part naturellement dans la bonne direction et m’amène là où je devais me rendre, sans encombre. C’est ce jour-là que j’ai compris que c'était un chien avec un fort caractère ! En fait, elle n’avait pas apprécié que je la querelle et elle me l’a fait gentiment comprendre. Avec du recul, je trouve la situation vraiment comique, et son côté têtu faisait partie de son charme.

Je pourrais parler de mes chiens guides pendant des heures, tellement j’ai de souvenirs avec chacune d’entre elles…

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Entretien avec Suzanna, future maitresse de Peanuts

Pouvez-vous nous présenter votre parcours? 

Je suis née au Portugal et j’ai grandi à Lisbonne. Je suis venue en France à l'âge de 25 ans, après mes études universitaires et une spécialisation en sciences politiques relations internationales. Lorsque je suis arrivée en France, j’ai effectué plusieurs petits boulots pour pouvoir apprendre le français. Par la suite, je me suis orientée vers les ressources humaines et plus spécifiquement vers le recrutement.
J’étais malvoyante dès l’enfance et j’ai perdu totalement la vue à l’âge de 15 ans, cela s’est produit brutalement, du jour au lendemain. 
J’ai un enfant de 9 ans et je suis passionnée de voyages et de lecture.

Quel est votre ressenti vis-à-vis de votre handicap aujourd’hui ?

Je n’ai aucun souci particulier avec mon handicap. C’était un peu compliqué quand j’ai perdu la vue à l’adolescence mais j’ai été tout de suite très bien entourée. Aujourd’hui je vis avec mon handicap en pleine harmonie. Je pense qu’il faut aussi une certaine maturité pour gérer cela et au fil du temps, je m’y suis faite.

À quelles difficultés principales êtes-vous confrontée dans votre quotidien ?

Tout d’abord, le monde devenant de plus en plus visuel, il faut trouver sa place et avoir les mêmes codes. Ensuite, les nouvelles technologies se développent et donnent accès à pas mal de choses mais cela peut parfois être un problème car toutes les plateformes ne sont pas accessibles. Peu importe les situations, il faut s’adapter tout le temps, cela peut être perturbant pour certaines personnes.

Qu’est-ce qui vous a poussée à faire une demande de chien guide

Suzanna et Erone son ancien chien guide

Suzanna et Erone

J’en suis à mon 4ème chien guide à l’École de Paris, mais ma première demande s’est manifestée d’une manière assez soudaine : quelques mois après avoir perdu la vue, j’ai regardé un film qui racontait l’histoire d’une non voyante qui avait un chien guide. À ce moment-là, j’ai dit à ma mère « un jour j’aurai un chien guide comme celui-là ». Lorsque je suis arrivée en France et que j’ai su qu’il était possible d’avoir un chien guide, je me suis renseignée et j’ai fait directement la demande.

Comment votre chien guide va-t-il vous aider au quotidien ?

On forme une équipe, il faut que ça marche dans les deux sens, ce n’est pas un robot ni un GPS, il faut qu’on arrive à communiquer ensemble. Il peut m’aider à trouver un bus, à traverser au bon endroit, mais aussi à aller en ligne droite ce qui est très compliqué avec une canne. Toutes les choses qui paraissent anodines pour un voyant ne le sont plus du tout quand on perd la vue.
Le regard des autres est complètement différent aussi, on ne nous regarde pas de la même façon si l’on se déplace à la canne ou avec un chien. Le chien reste un excellent lien social. Ça change vraiment la vie. On peut nous dire qu’il y a des contraintes, le fait de le sortir, etc. mais ce n’est rien à côté de ce qu’il peut nous apporter.

Où en êtes-vous dans le processus de remise de Peanuts ? L’avez-vous déjà rencontré ?

J’ai rencontré Peanuts il y a plusieurs semaines maintenant. J’ai effectué trois essais avec lui, il a passé plusieurs week-ends chez moi, la prochaine étape est la remise

Que représente-t-il pour vous ?

C’est un chien adorable, câlin, joueur et très proche de nous. Il nous fait rire. Il est décontracté et toujours calme et cette attitude me permet moi aussi de me sentir en sécurité, d’être zen et que les choses soient fluides. Il ne faut absolument pas que cela soit une contrainte pour lui, c’est du travail mais il faut que cela reste ludique.

Quel sentiment éprouvez-vous à l'idée de l'accueillir chez vous ?

J’ai hâte ! Je ne vais pas le voir pendant trois semaines car je pars en vacances. Toutes les semaines, je demande de ses nouvelles à Noémie, son éducatrice. Je m’attache énormément, j’ai besoin de savoir comment il va, comment il avance. J’ai eu des chiens pendant 20 ans alors vivre sans chien est très compliqué pour moi.
Le plus difficile pour moi a été de passer de mon premier à mon deuxième chien. Après,  tout cela devient plus rationnel, on peut s’attacher sous des formes différentes mais toujours avec la même intensité. Ils sont tous différents, ils ont tous leurs manies, leurs petits travers. C’est avant tout une rencontre et c’est ça qui est génial.
Je pense que Peanuts est le bon sinon je n’irai pas aussi loin dans le processus de remise. J'ai été très bien accompagnée par l’Ecole.

Quel rôle a joué l’École dans votre suivi ?

Ils sont toujours présents à toutes les étapes. Ainsi, j’ai attendu un peu entre le décès de mon précédent chien et Peanuts,  mais j’ai été accompagnée par l’École pour retourner à la canne blanche pendant cette période. Je voulais un chien qui matche vraiment donc j’ai attendu le temps qu’il fallait

Peanuts

Peanuts

logo Essilor

Un mot sur le partenariat entre l'École de Chiens Guides de Paris et Essilor ?

Les partenariats comme celui mené par Essilor et l’École de Paris sont très importants. Il faut continuer à les développer et à les renforcer car cela aide l’École, mais aide aussi à avoir un autre regard sur le handicap et l’acceptation en entreprise.

Entretien avec Aliénor, maîtresse d’Olips

Qu’est-ce qui vous a poussée à faire une demande de chien guide ?

Connaissant quelques personnes ayant un chien guide, j’ai commencé mes premiers essais qui m’ont  totalement convaincue. Je n’ai pas de gêne avec la canne, mais les déplacements sont beaucoup moins fluides qu’avec un chien, c’est ce qui m‘a vraiment motivée. J’ai toujours vécu avec des chiens, et  les chiens guides ont  l’avantage de pouvoir nous accompagner partout. !

Olips est mon troisième chien. J’ai eu le premier, Twid,  en 2004 à l’École de Paris, suivi d’Eskyss. Lorsque la retraite de celui-ci s’est présentée, je ne pouvais plus me passer de chien guide et j’ai donc  renouvelé ma demande.

Qu’est-ce qui a changé dans votre quotidien ?

Le fait de ne plus avoir à réfléchir à tous mes déplacements. Lorsque j’étais encore seule, je pouvais gérer avec la canne, mais avec trois enfants plus la canne cela devenait vraiment fatiguant et compliqué. Le chien  prend en charge les déplacements quotidiens, je ne me pose plus de questions.

Comment décririez-vous le lien que vous avez avec Olips ?

J’ai eu Olips en novembre dernier donc notre  relation de travail est encore en construction. Le lien affectif est déjà très présent, Olips est attachant et plutôt pot de colle ! Nous n’avons pas eu l’occasion de beaucoup nous déplacer avec le confinement, donc nous apprenons encore à travailler ensemble le  guidage,  nous sommes aussi en recherche de plus de fluidité. Je n’ai aucune inquiétude à ce niveau-là, tout va vite se mettre en place.

Quel rôle a joué l’Ecole dans votre suivi ?

L’École a toujours été présente, je peux appeler dès que  j’ai un problème. Après les vacances, je vais d’ailleurs les contacter pour un suivi. Un grand merci pour l’accompagnement et le travail accompli

Aliénor et Eskyss

Aliénor et Eskyss

Entretien avec Céline Chicoineau, maitresse d'Onyx

Qu’est-ce qui vous a poussée à faire une demande de chien guide ?

Depuis toute petite j’ai toujours voulu avoir un chien guide. Lorsque j’ai commencé à avoir mes cours de locomotion, c’était une motivation supplémentaire. À la fin du lycée, j’ai eu l’opportunité d’avoir un premier chien guide à la Fondation Frédéric Gaillanne.  J’ai souhaité continuer l’aventure à l’École de Paris Cela m’a permis d’avoir plus de fluidité dans les déplacements, d’être moins fatiguée et d’avoir un lien social incroyable ! J’ai pu être ainsi beaucoup plus intégrée à l’université.

Qu’est-ce qui a changé dans votre quotidien ?

J’ai eu Onyx fin novembre 2019, il est arrivé dans une période assez charnière pour moi puisque c’était la dernière année de mon master. Je ne savais pas trop comment cela allait se passer, car 2020, année compliquée avec le confinement, se doublait pour moi d’une recherche d’emploi.

J’étais rassurée d’avoir Onyx, surtout pour reprendre les trajets après le confinement. C’est aussi un lien social fort, grâce à lui, j’ai pu découvrir mes collègues, le chien attise la curiosité et fait naître des conversations

Céline et Onyx

Comment décririez-vous le lien que vous avez avec Onyx ?

C’est un chien qui est vraiment très proche de l’humain, très fusionnel et câlin. Il vient souvent dans la journée me voir et me donner un petit coup avec sa truffe pour avoir  des papouilles. Il est plaisant et il aime bien faire son petit clown. Au harnais, il est très posé, il a une carrure assez imposante, il est costaud, mais au final c’est vraiment une force tranquille. La relation que j’ai avec Onyx s’est installée très rapidement. Quand on passe d’un chien a un autre, on peut avoir une petite appréhension, mais finalement cela s’est fait facilement. C’est un chien qui va au contact et cela facilite beaucoup les choses.

Quel rôle a joué l’Ecole dans votre suivi ?

Cela fait un an et demi que j’ai eu Onyx. Durant ma première année, l’éducateur m’a suivie très régulièrement, il m’appelait pour prendre de mes nouvelles, pour me demander comment cela se passait pendant le confinement. J’ai aussi déménagé début 2021, j’ai eu plusieurs suivis pour me familiariser au nouveau quartier et faire de nouveaux trajets. L’École a réagi très rapidement

Onyx était présent à tous les moments importants de ma vie, j’ai passé ma soutenance avec lui, je commence mon premier emploi avec lui et j’ai fait mon déménagement avec lui aussi. Onyx, c’est mon petit bonheur au quotidien.

Entretien avec Sadia Drouche, maîtresse de Mélia

Qu’est-ce qui vous a poussée à faire une demande de chien guide ?

J’ai été voyante jusqu’en 2015. Ma vue commençait déjà à diminuer progressivement, mais brutalement, début 2016, les choses ont évolué et je me suis retrouvée malvoyante, perdant tous mes repères. La soudaineté de la perte de mes facultés a été un choc émotionnel violent, je n’y étais pas préparée. C’est comme si je repartais de zéro, il m’a fallu réapprendre les gestes du quotidien, je n’arrivais même plus à me diriger dans mon propre appartement.

Un jour, je me suis mis un coup de pied aux fesses pour retrouver mon autonomie perdue et j’ai décidé de commencer avec la canne blanche. J’ai utilisé cet outil pendant 2 ans, mais cela entraînait un état de fatigue intense, car il me fallait cela me demandait d’être extrêmement attentive à tout mon environnement. Je n’étais pas complètement sereine non plus et, quand j'ai commencé à tomber, j’ai compris qu’il n’y avait pas grand monde qui faisait attention aux personnes déficientes visuelles et que c’était à moi de rester vigilante pour garantir ma sécurité.

Sadia et Mélia

Crédit photo : Studio Bontant

J’ai déjà eu affaire à des personnes qui ont manqué de m’écraser et ont eu des réactions violentes à mon égard, me faisant sentir que c’était de ma faute. J’étais arrivée aux limites de la canne et c’est à ce moment-là que mon instructrice en locomotion de l'époque m’a parlé de l’École de Chiens Guides de Paris et comment le chien guide pourrait m’aider à enlever la surcharge mentale due à la canne.

Lorsqu’on m’a remis Melia le 18 décembre 2017, ça a été mon plus beau cadeau de Noël ! Mélia a été une libération pour moi, j’ai ressenti un allégement de tout ce qui m’entourait. Je suis toujours à l’écoute de mon environnement, mais dans une dimension moindre. J’ai retrouvé le plaisir de marcher, de me balader et de profiter de l’instant présent sans avoir besoin de me concentrer sur les potentiels obstacles en travers de mon chemin.

Qu’est-ce qui a changé dans votre quotidien ?

Un vrai bonheur au quotidien qui change la vie !

J’ai dû faire une reconversion professionnelle. En 2017, j’ai commencé une formation pour devenir coach en développement personnel, comme c’était au moment de la remise de Melia elle est venue à mes premiers séminaires où elle s’est sentie tout de suite à l’aise et en confiance. Grâce à elle, j'ai pu créer immédiatement mon activité car, comprenant d’instinct son rôle, elle m'accompagnait à chaque instant. Pendant mes séances de coaching et conférences, elle sait où se mettre et quel comportement adopter. Elle m’a vraiment redonné confiance en moi en tant que professionnelle. Je ne suis plus jamais seule, Melia est devenue mon soutien moral de chaque instant qui me pousse à exploiter à fond mon potentiel. C'est comme si elle me disait « vas-y, j’ai confiance en toi ». C’est devenue ma guide terrestre, elle me protège, me soutient.

Cette chienne aime tout mon entourage, pour elle, mes amis sont devenus ses "tatas" et ma mère sa "grand-mère". Elle a su se faire adopter par toute ma famille et ils sont tous fous d’elle !

Je suis obligée de laisser Melia à ma mère trois fois par semaine pour mes dialyses et elles ont tissé une relation particulière. Par exemple, Melia sait que sa "grand-mère" a tendance à un peu trop la gâter et elle sait en profiter !

Comment décririez-vous le lien que vous avez avec Melia ?

Nous sommes de vrais partenaires, un vrai binôme ! Aujourd’hui ceux qui me connaissent très bien savent que c’est « Sadia et Melia », parfois elle me pique même la vedette, car on la salue avant moi et ça me fait beaucoup rire !

Guider, c’est son métier, mais pas que ! Nous avons une relation de confiance toutes les deux. Elle et moi, c’est fusionnel ! Elle aime les câlins et peu vite être pot de colle (rire). Aujourd’hui, je n’ai plus besoin de lui parler, on se comprend juste avec un claquement de doigts ou un bruit de bouche et je peux sans aucune difficulté me rendre dans un endroit inconnu sans me poser de questions.

Quel rôle a joué l’Ecole dans votre suivi ?

Si mon lien avec Melia est aussi fort, c’est grâce au travail de suivi que j’ai eu pendant ma remise. Toute la bienveillance et la transparence de l’équipe m’ont permis de tisser ce lien si spécial avec elle et je suis sûre que la relation ne serait pas ce qu’elle est si je n’avais pas eu une aussi bonne remise et un si bon accompagnement.

Je me souviens 3, 4 mois après la remise, j’étais en retard pour une conférence à cause de la pluie battante et, sur le trajet, Melia s’est arrêtée net ! Impossible de la faire avancer. J’ai tout de suite appelé son éducateur qui m’a expliqué qu’elle refusait d’avancer à cause de la pluie. Nous avons donc travaillé ensemble pour trouver une solution satisfaisante pour tout le monde y compris Melia. Grâce à la réactivité et la disponibilité de l’École de Chiens Guides de Paris, j’avance aujourd’hui les yeux fermés, sans aucune peur !

Entretien avec Yannick Reineix, maître d’Orlane, son premier chien guide

  • Qu’est-ce qui vous a poussé à faire une demande de chien guide ?

Ce n’est pas moi qui l’ai fait. J’étais persuadé de ne pas y avoir droit car je suis malvoyant et pas non voyant. C’est donc mon épouse qui a pris les renseignements et qui a entamé les démarches. Je savais que c’était quelque chose qui pourrait m’aider au quotidien, mais pensant ne pas y avoir droit, je n’ai pas cherché à me renseigner davantage.

  • Qu’est-ce qui a changé dans votre quotidien ?

Enormément de choses ont changé. A part sortir de chez moi le matin pour aller faire du sport, je ne faisais rien d’autre de la journée. Maintenant je sors tous les jours, je me promène, je vais faire mes courses, ainsi je vais à la pharmacie, à la boulangerie, choses que je ne faisais plus du tout avant.

J’ai retrouvé le plaisir que j’avais auparavant lorsque j’étais voyant. Aujourd’hui, je sors de chez moi tous les jours avec Orlane et c’est un vrai bonheur.

  • Comment décririez-vous le lien que vous avez avec Orlane ?

C’est très fort. Il y a évidemment le côté chien guide qui me permet de mieux me déplacer, mais il y a aussi le côté affectif car elle est très câline et très affectueuse. Elle est tout le temps à côté de moi ! Il faut toujours qu’elle sache où je suis. J’ai ainsi en permanence une compagnie que je n’avais pas avant puisque j’étais seul, enfermé.

  • Quel rôle a joué l’École dans votre suivi ?

J’ai fait ma demande en octobre 2018. Cela ne m’a pas paru long car, une fois la procédure lancée, c’est allé très vite. A partir du moment où mon dossier a été accepté et que j’ai su que j’allais avoir un chien, l’Ecole m’a redonné de l’espoir, chose que je n’avais plus. Ça a été tout de suite un déclencheur.

L’Ecole m’a accompagné tout du long. Au départ, lorsque j’avais besoin de renseignements puis ensuite pour m’expliquer toute la démarche, comment cela allait se passer, etc

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En amont, il y a eu tout un processus de préparation. J’ai d’abord rencontré Laurence, puis Dimitri, l’instructeur en locomotion, qui m’a beaucoup aidé. Il m’a appris à sortir avec la canne blanche et, au fil des rendez-vous, j’ai retrouvé de l’autonomie sans même avoir encore de chien. C’est là que j’ai su que je passais un cap. Cela m’a redonné envie de sortir, c’était un moteur de motivation. Je me suis rendu compte qu’il fallait que je sois autonome pour avoir un chien et que je devais donc me reprendre en main. C’était aussi très motivant de devoir aller à l’Ecole pour effectuer des tests avec des chiens adaptés à ma vitesse de marche, à mes besoins et à ma morphologie.

Depuis la remise d’Orlane en décembre, j’ai fait trois suivis. Cela m’a permis de me rassurer, de savoir si ce que je faisais était bien, si je ne faisais pas d’erreur, ou si je n’induisais pas Orlane en erreur sur des obstacles rencontrés ou par des directives inadaptées. Cela m’a permis de savoir aussi si j’applique bien ce que j’ai appris pendant la remise et si Orlane applique bien elle aussi ce qu’elle sait. Je pense que c’est important pour ne pas se retrouver en difficulté.

Le chien guide, ça change complètement la vie, on passe du noir à une vie presque normale, car oui avant tout était noir, j’étais enfermé, je ne sortais plus. Le chien guide m’a redonné goût à la vie.

Un grand merci à l’Ecole de chiens guides de Paris ainsi qu'au site de Buc et plus particulièrement à Laurence, Dimitri, Eric et Dorine qui m’ont accompagné et le font encore, ainsi qu’à la famille d’accueil d’Orlane. Merci pour leur travail, leur dévouement au quotidien et tout ce que cela nous apporte. Combien cela est important pour des personnes dans mon cas qui, grâce à eux, retrouvent une seconde vie !

Entretien avec Madame Id Amar, maîtresse de Lina, son troisième chien guide.

  • Qu’est-ce qui vous a poussée à faire une demande de chien guide?

C’est la fréquentation d’autres déficients visuels avec leur chien qui a suscité mon intérêt. En effet, lors d’un voyage en Suisse je faisais partie d’une troupe de théâtre où il y avait deux catégories de déficients visuels : ceux qui avaient un chien guide et qui marchaient avec beaucoup de facilité, alors qu’ils ne connaissaient absolument pas les lieux, et ceux qui n’en avaient pas et qui prenaient le bras d’une personne voyante. Moi, j’étais à la canne et j’avais besoin d’un accompagnateur. C’est cette expérience qui m’a fait désirer avoir un chien guide pour gagner en autonomie et en liberté.

  • Qu’est ce qui a changé dans votre quotidien personnel et professionnel ?

Dans mon quotidien personnel j’ai maintenant plus d’aisance et de fluidité dans mes déplacements. J’ose également aller dans des endroits que je ne connais pas. J’ai  deux enfants, maintenant adolescents, mais lorsqu’ils étaient plus petits, être guidée par mon chien me permettait d’être vraiment attentive à eux, quel plaisir ! Lorsque j’avais une canne, je devais être tellement concentrée sur la route que je ne pouvais pas leur accorder la même attention. Avec le chien, je suis détendue et peux échanger avec eux beaucoup plus facilement.

Du côté professionnel, j’ai trouvé que mes collègues étaient plus spontanés. Grâce à la présence du chien, leur regard est différent. À la canne, on m’aidait certes mais souvent avec cette réflexion « je ne sais pas comment vous faites », alors qu’avec un chien guide, ils sont tellement admiratifs du travail du chien qu’ils viennent à nous plus facilement. En revanche, j’ai dû faire preuve d’un peu de pédagogie car au bout d’un moment, ils étaient tellement contents qu’ils disaient bonjour au chien avant de s’adresser à moi !


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  • Comment décririez-vous le lien que vous avez avec vos chiens ?

Je dirai fort, mais ce n’est pas encore assez. C’est une vraie complicité, un échange permanent, je n’ai même plus besoin de ralentir ou de lui dire ce qu’il doit faire. Tout se fait à travers le harnais, mais quand le chien ne l’a plus, la complicité se prolonge, c’est une vraie relation d’affection réciproque.

  • Quel rôle a joué l’école dans votre suivi ?

L’école a toujours été à mon écoute pour m’aider à résoudre des difficultés passagères. Avec ma première  chienne par exemple, quand je la laissais le week-end avec mon conjoint et qu’il comblait mon absence par le jeu, il m’était difficile le lundi de la remettre au travail !

J’ai également quelquefois fait appel à l’école pour renforcer des acquis comme la recherche de sièges ou de portes de métro.

Par la suite j’ai eu moins besoin de solliciter les éducateurs, mais à chaque fois que cela s’est avéré nécessaire, ils étaient présents. Le suivi est continu, j’ai d’ailleurs rendez-vous très bientôt. Même après quinze ans de chien guide, l’école nous porte toujours autant d’attention, le suivi est quelque chose de vraiment important.

Je tenais également à ajouter qu’avoir un chien guide demande de l’énergie. C’est merveilleux, mais lorsque l’on va dans un nouvel endroit, on a souvent une boule au ventre : mon chien va-t-il être accepté ? C’est épuisant d’avoir à se justifier en permanence et à se battre pour faire accepter son chien guide. Maintenant, par exemple, entre deux lieux de vacances, je choisis celui qui accepte les chiens plutôt que celui qui sera plus proche de la mer.

Témoignage recueilli par Stéphane pour l’association « Auxilia Une Nouvelle Chance » : www.asso-auxilia.fr

Dominique et la chienne Linka

  • Bonjour Dominique. Pourquoi avez-vous décidé de faire appel à l’association des chiens guides pour aveugles de Paris ?

Bonjour. Au début, je pensais que seuls les aveugles avaient le droit de demander un chien à l’association. Je suis déficiente visuelle et auditive et ne vois que des ombres. C’est en consultant une brochure et en téléphonant que j’ai constaté pouvoir postuler.

Avec une canne,  les déplacements sont difficiles et fatigants, ils demandent beaucoup de concentration ; de plus quand on rencontre un obstacle, on ne sait pas trop comment le contourner ni ce que c’est. Donc je faisais souvent appel à ma famille qui n’était pas toujours disponible.

  • Comment s’est passée la 1ère rencontre avec Linka ?

La première rencontre ne fut pas simple  Bénévole à l’école des chiens guides d’aveugles, je l’ai eu tout d’abord en relais pour quelques jours. Je fais en effet partie des familles relais qui accueillent temporairement les chiens guides dont les maîtres sont partis en vacances sans pouvoir les emmener, ou sont hospitalisés. Le chien étant beaucoup mieux en famille que dans un chenil.  Linka était nerveuse, speed, cherchant sa place, faisant des bêtises la première nuit. Puis petit à petit, elle a pris confiance et moi aussi. Elle est devenue plus calme au fil des jours. Comme nous étions à Noël, je l’ai emmenée en avion dans la famille où là miracle, elle a été extraordinaire, calme, attentive. Ce fut une belle révélation.

  •  Quels changements positifs avez-vous constatés dans votre vie depuis l’arrivée de Linka ?

Maintenant, mes déplacements sont fluides ; Linka m’évite tout danger. Si je lui donne un ordre qui me met dans une situation à risque, elle se couche et c’est à moi d’interpeller un passant pour nous aider. Je dirais que j’ai gagné en liberté, en autonomie. Je ne dépends plus d’autrui constamment. J’ai retrouvé la confiance en moi que j’avais perdue. Quand je m’égare, je ne suis plus stressée, ma compagne me protège. De plus le chien est source de sociabilisation vis-à-vis des autres. Une relation de confiance totale s’est établie au fil du temps. Ma famille me sait en totale sécurité

Dominique et Linka sur un terrain de golf

Je ne remercierai jamais assez l’école des chiens guides de Paris qui fait un travail extraordinaire. La constitution de ce binôme avec Linka a énormément amélioré ma vie. Nous sommes comme un couple avec une confiance qui grandit au fil du temps.

  • Quel est le caractère de Linka ?

Linka est une chienne labrador noir qui aura bientôt 6 ans. Elle est dynamique, vive, joyeuse, enjouée, toujours partante et très câline. Elle a appris à ne pas toucher ce qui traîne sur le sol lors de nos sorties. En forêt, quand elle est détachée elle a une clochette et une signalétique sur le dos, indépendante elle joue dans son coin ; néanmoins, le mimétisme avec moi reste présent, car elle continue à me surveiller malgré la présence d’un accompagnant. Ce chien effectue un travail extraordinaire avec un amour incommensurable que je lui rends bien, ainsi que ma famille.

  • Quel parcours a suivi Linka pour devenir chien guide ?

Tout d’abord, pour avoir un bon chien guide, il y a sélection du père et de la mère soumis à beaucoup d’examens (morphologie, caractère, santé) ; dès que les géniteurs sont choisis, il y a procréation. Dans la portée de Linka, ils étaient 8 chiots. Ces chiots sont les derniers nés à l’école de Paris que je tiens à féliciter pour l’excellent travail effectué. À présent l’École de Paris dispose d’un centre d’élevage situé à Buc près de Versailles.

Linka a passé ses trois premiers mois avec sa maman et ses frères et sœurs.

Les éducateurs commencent, à partir de jeux, à les stimuler auditivement (bruits, musique). Tant que les chiots ne sont pas encore totalement vaccinés, ils sont promenés dans des petites poussettes pour découvrir les bruits de la ville. On les fait évoluer dans un parc où il y a différents revêtements de sol afin de les familiariser avec un environnement urbain. Cela est fait dans les grands câlins, le jeu, les récompenses et permet aux éducateurs de voir les caractères de chacun.                                                                                        

Après trois mois, les chiots sont confiés à des familles d’accueil qui ont un « cahier des charges » à remplir. Par exemple, ils doivent apprendre aux chiots les ordres de base, s’asseoir au bord du trottoir, devant une porte, prendre les transports en commun, bien se tenir dans n’importe quel environnement. La famille a plusieurs rendez-vous avec l’école et les éducateurs afin de conforter les acquis, et trouver des solutions aux soucis rencontrés. C’est alors que les éducateurs peuvent voir si le chiot est capable de devenir chien-guide, ce qui n’est pas le cas pour tous. Sur la portée de Linka, seuls trois chiots étaient aptes à devenir chien guide. Sa sœur est devenue reproductrice, son frère qui ne supportait pas Paris est parti en province chez un monsieur tranquille alors que Linka, elle, était une vraie parisienne. 

À un an, ou un an et demi, selon sa maturité, le chien séparé de sa famille d’accueil entre à l’école pour sa formation de chien guide assurée par un professionnel. Pendant 6 à 8 mois, l’éducateur va mettre en place les bases du guidage puis va  renforcer, approfondir et pousser au maximum les acquis du chien. Suit un examen avec un rattrapage comme pour les étudiants. Le dossier du chien est ensuite étudié avec minutie afin de l’affecter au candidat le mieux adapté.

À 8 ou 9 ans, le chien passera une visite de gériatrie ; le vétérinaire de l’école décidera si l’animal peut continuer ou s’il est trop fatigué. De là, soit je garderai Linka (ce qui est mon objectif) soit l’école choisira une famille qui l’accueillera pour sa retraite au cours de laquelle elle ne devra pas travailler, mais faire ce qu’elle a envie de faire en toute tranquillité.

À noter que certaines personnes dans la rue ignorent le rôle du chien guide et quand elles promènent leur chien, elles  laissent celui-ci venir dire bonjour à Linka ce qui la déstabilise dans son travail.

  •  Comment faire pour bénéficier d’un chien guide ?

Il faut monter un dossier et exprimer notre motivation ; au vu de ces éléments, l’école agrée notre candidature ou non. Il y a beaucoup de demandes ; une centaine de dossiers sont en attente rien qu’à l’école de Paris.

J’ai pris des cours de locomotion, c’est impératif de savoir utiliser une canne car si le chien est malade, il faut être capable de se débrouiller comme avant. Un entretien avec un psychologue évalue notre motivation et détermine le bon binôme. L’école a alors une réunion pour voir quel chien pourrait convenir à telle personne. 
Personnellement, j’ai testé trois chiens.

Ensuite, un éducateur vient à la maison sans le chien pour voir quel sera le mode de vie du chien, qu’aura-t-il le droit de faire, où mangera-t-il, etc. Dès que le chien est choisi, nous passons dix jours en osmose totale en internat au sein de l’école. Tous les jours on travaille avec le chien et les éducateurs, en ville, dans les transports et nous dormons la nuit avec notre chien pour voir comment tout cela se passe, afin de conforter l’éducateur dans le bon choix du binôme. On doit apprendre les ordres à donner pour avoir le même langage que le chien. Ensuite l’éducateur vient nous voir à la maison avec le chien. On répète ensemble les parcours récurrents : courses, travail pendant huit jours. Notre vie à deux commence.  Et si, nécessaire, l’éducateur revient pour peaufiner certains détails.

J’ai attendu deux ans et demi entre ma demande et la réception de Linka.

 Merci beaucoup pour cette interview Dominique. Pour conclure, quel message aimeriez-vous laisser aux formateurs et stagiaires d’Auxilia ?

Quand j’ai eu mon accident, j’ai dû me réinsérer professionnellement et je suis devenue formatrice (Remise à niveau scolaire) auprès d’un public difficile sous main de justice de 16 à 20 ans. Pendant les cours, si la classe était bruyante Linka sortait de dessous le bureau et aboyait, pas contente que sa sieste soit perturbée, et le calme revenait. Les jeunes au début pouvaient se moquer de Linka en disant « C’est quoi ce chien de tarlouse, moi j’ai un pit » ; mais avec le temps ils ont été franchement étonnés par le travail de Linka et quelque part, ils ont eu de la compassion. Linka a été un vecteur de conciliation avec ces jeunes. Le chien a le pouvoir de calmer les gens. On devrait beaucoup apprendre des animaux.

Il faut toujours croire en son étoile. S’accrocher, relever la tête, être fier, avoir de la pugnacité. Chacun a sa place, il faut la trouver et je sais que c’est difficile l’ayant vécu. Je souhaite bon courage aux apprenants, ne baissez jamais les bras.

Pour les formateurs, vous exercez un beau métier même si parfois vous endossez les problématiques de vos stagiaires ainsi que leur détresse, mais vous apportez une grande pierre à l’édifice. Et quelle joie quand un stagiaire réussit, c’est grâce à vous. Je suis à la retraite et ce métier me manque. Bravo à tous. Vous faites des choses merveilleuses.      

Entretien avec Dominique Nouy, maîtresse d’Ouchka, son troisième chien guide.

  • Qu’est-ce qui vous a poussée à faire une demande de chien guide?

Je me suis déplacée pendant plus de trente ans à la canne. Il est arrivé un moment où mes enfants, devenus grands, ont commencé à aller au collège. Je me suis alors rendu compte qu’ayant moins l’occasion de me déplacer avec eux, j’allais de moins en moins sortir. Ce qui m’a poussée à faire une demande de chien guide c’est principalement l’envie de continuer à bouger et à pouvoir me déplacer comme je le souhaite.

  • Qu’est ce qui a changé dans votre quotidien personnel et professionnel ?

Pour moi le chien guide c’est la liberté d’aller où je veux et quand je veux en toute autonomie, en sécurité mais aussi confortablement car quand je lui demande le métro, le bus ou la porte de la pharmacie par exemple, je n’ai plus besoin de tâtonner comme je pouvais le faire avant avec la canne. Le fait aussi de ne pas être seule lorsque je me déplace, j’ai toujours cette compagnie. Le chien guide nous permet de retrouver un lien social avec d’autres personnes. Il n’y a pas un jour qui se passe sans que quelqu’un vienne m’aborder, me dire que mon chien est beau, qu’il a un beau poil, alors qu’avant on ne m’avait jamais dit que ma canne était belle ! Même si ce ne sont que trois petits mots, les personnes viennent plus facilement vers moi. Comme je le dis souvent, notre chien est notre meilleur ambassadeur.

  • Comment décririez-vous le lien que vous avez avec vos chiens ?

Je suis extrêmement fusionnelle avec mes chiens. C’est une relation très forte. J’ai 110% confiance en mon chien et j’ai énormément de complicité avec lui, que ce soit dans le jeu, dans les balades mais aussi dans les moments difficiles. J’ai eu des problèmes de santé importants et mon précédent chien m’a beaucoup soutenue dans ma convalescence. Comme je devais le sortir, j’ai rapidement recommencé à  me déplacer, cela m’a beaucoup aidée.

  • Pourquoi avoir choisi l’école de Paris ?

Tout d’abord, je suis parisienne. L’école est à côté et je trouve qu’elle est idéalement placée. Quand j’ai voulu faire ma demande, j’avais deux amis qui avaient des chiens guides à l’école de Paris donc je me suis naturellement rapprochée de cette école. J’ai confiance en elle et je sais que la manière dont les chiens sont éduqués est super. Je ne regrette pas d’avoir renouvelé ma confiance une troisième fois puisqu’à chaque fois j’ai eu des chiens qui me correspondaient parfaitement.

  • Quel rôle a joué l’école dans votre suivi ?

Je viens fréquemment à l’école de Paris, environ une fois par semaine car je suis en charge de la détente des chiens. L’école a toujours été là lorsque j’en avais besoin, même lorsque j’ai eu mes problèmes de santé. L’instructeur en locomotion et les éducateurs ont un rôle très important car parfois des trajets compliqués demandent à être retravaillés et ils répondent  alors toujours présent pour nous accompagner.

Dominique guidée par Ouchka

... On ne m’avait jamais dit que ma canne était belle !

Dominique avec Riade et Egée

Mes chiens m'ont permis de poursuivre ma carrière sportive

Entretien avec Antoine Moreno, Vice-Président de l’École de chiens guides de Paris, maître du chien guide Isséo, berger suisse, son 6ème chien guide.

  • Racontez-nous votre première rencontre avec un chien guide 

Lors d’une formation, j’ai revu un camarade qui était accompagné d’un chien guide épatant ! J’ai admiré la complicité qu’il avait avec son maître et la sympathie dont il faisait preuve à mon égard. À cette époque, mes enfants étaient encore petits et la canne m’offrait peu d’autonomie. Lorsque  Monsieur Romero m’a fait tenter l’expérience  d’un chien guide, ma vie a changé !

Le chien guide nous apporte plus que de l’autonomie, c’est un être vivant, un membre de la famille. Ce sont des êtres intelligents qui réfléchissent, nous comprennent et le dialogue instauré avec eux, nous permet de tisser un vrai lien.  

  • Qu’est qui a changé dans votre quotidien personnel et professionnel ?

La dynamique est transformée, ainsi à toute heure du jour et de la nuit, on peut solliciter le chien, à la différence d’un proche ! Personnellement, le chien m’a permis d’avoir un plus grand confort dans tous mes déplacements, devenus à la fois plus rapides et plus sûrs.

  • 2020-chien-guide-antoine-isseo-1.JPG
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C’est un lien social facteur d’épanouissement ! Le contact avec les autres change, le chien permet par exemple d’engager la conversation,  il est moins vecteur « d’apitoiement » que ne l’est la canne. Il a transformé ma vie. 

Si je n’avais pas eu de chien, ma carrière sportive aurait été très réduite et je n’aurais pas pu me déplacer aussi souvent. Plus je progressais, plus j’avais besoin d’être disponible et d’avoir une certaine liberté de mouvement, mon chien me permettait d’arriver détendu aux différentes compétitions nationales et internationales.

Avec  Isséo, on arrive toujours à bonne destination. Même à 10km de chez moi, il retrouve toujours le chemin de la maison.

  • Comment décririez-vous le lien que vous avez avec votre chien ?

On a une vie particulière avec chaque chien, ils nous apportent tous à leur façon quelque chose de différent et on forme avec chaque chien un nouveau binôme.

Ce sont eux qui me choisissent, je laisse au chien l’initiative de me séduire. Quand on instaure une bonne osmose avec son chien guide et une confiance mutuelle grâce à la compréhension,  il donne le meilleur de lui-même. Je veille à ce que mon chien soit bien avec moi et que je sois bien avec lui.

J’aime les chiens avec du caractère, car ce ne sont pas des automates. Chaque chien a sa personnalité et pour que la relation s’installe, il faut une bonne communication entre nous.

Isséo aura 8 ans au mois de mai et je sens qu’il est au meilleur de son potentiel.

  • Quel rôle a joué l’école dans votre suivi ?

J’ai toujours été bien accompagné par l’école. Je souhaite qu’elle soit toujours aussi soucieuse de qualité, performante et à l’écoute des personnes déficientes visuelles.

Grâce à mon chien, je vis des aventures et une vie fabuleuses. Tous mes chiens ont toujours eu un impact positif sur ma famille et mes proches. 

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"Le Parisien - Vitry" (Article du Parisien) Par Fanny Delporte

Antoine Moreno et Isséo


Avant Isséo, il y a eu Chica, Hermès, Réa ou encore Elouan. Les gens qui aiment les animaux oublient rarement leurs prénoms. Surtout quand ils leur ont permis de mettre un pas devant l’autre sans crainte, pendant des années.

Début décembre, Antoine Moreno, un habitant du quartier Malassis, à Vitry, était à la mairie pour la cérémonie de parrainage de son dernier chien guide, Isséo, un berger blanc de deux ans.
Il lui a été remis par l’école des chiens guides de Paris, une structure qu’il a vu s’ouvrir en 1987 et dont il est aujourd’hui l’un des administrateurs. Ce samedi, elle ouvre ses portes à des familles prêtes à accueillir chez elles un futur chien guide pour le « sociabiliser », avant qu’il ne soit remis à des personnes déficientes visuelles.
Antoine a besoin d’Isséo, et des autres avant lui, après avoir commencé à perdre la vue à la fin des années 60, touché par une maladie génétique évolutive. « Ma mère m’a toujours dit que j’avais appris à marcher avec un chien, sourit-il. Avec le recul je me dis que certaines choses sont prédestinées ». D’après lui, il y a environ 1 550 chiens guides en exercice en France, plus de 5 000 en Angleterre. Pas assez, donc. « Ces écoles vivent sur des dons, explique-t-il. Elles doivent se battre pour qu’il y ait de plus en plus de chiens remis gratuitement ». Avec l’objectif de réduire les délais d’attente des personnes malvoyantes, aujourd’hui d’un an et demi à deux ans. « Mais il y a encore beaucoup de personnes qui ont peur des chiens d’instinct », déplore-t-il.
Chacun de ses « guides » aura pris une « place énorme » dans la vie de sa famille. À tel point qu’elle aura gardé l’un d’eux une fois « retraité ». « Au début, ne pas trouver une cuillère sur la table me déprimait pendant trois semaines », se souvient Antoine. Quelques décennies, et six chiens plus tard, il s’investit à Vitry à travers deux associations - Asparathlé, qui donne la possibilité aux handicapés et valides de se retrouver autour du sport, et Vigilance Handicap, il mène des opérations de sensibilisation dans des écoles en Ile-de-France. Ancien sportif de haut niveau, il court encore régulièrement. Persuadé que pas grand-chose n’aurait été possible sans ses chiens, qui l’auront fait « traverser tout Paris de jour comme de nuit ».