Interview de Jean Luc et Dominique , famille de retraite de trois chiens guides
Comment avez-vous connu l’école ?
Cela remonte à quelque temps… Alors que nous venions de perdre coup sur coup nos deux chiens, une amie est venue nous rendre visite avec un chien guide retraité de l’École de Chiens Guides de Paris. Nous ne voulions plus prendre de chiens de compagnie, mais sans pour autant vivre sans chien. La démarche Famille de Retraite nous a plu, nous étions déjà donateurs de longue date et souhaitions apporter une aide supplémentaire, c’est donc devenu une évidence.
Combien de chiens guides retraités avez-vous accueillis ?
Nous avons eu Balto, Emir et Eléa.
Chacun avait un comportement bien différent. Balto était calme et un peu effacé. Il est parti tôt, à la suite d’un cancer. Nous lui avons donné tout l’amour que l’on peut donner durant le temps passé avec lui. Emir est arrivé durant sa huitième année et, contrairement à Balto, il a vite oublié ses réflexes de chien guide. Ce sont tous des toutous adorables, chacun de leur passage nous marque et laisse un souvenir ancré dans nos vies.
Après le décès d’Emir, nous avons longuement réfléchi pour savoir si nous souhaitions reprendre un autre chien, mais nous savons que l’École a un besoin constant de familles de retraites pour accueillir ces adorables chiens si méritants.
En tant que famille de retraite, il est important pour nous de donner des nouvelles aux anciens maîtres déficients visuels. Maintenir le lien est essentiel pour tout le monde, y compris les toutous. Nous prenons des photos et écrivons des témoignages de notre quotidien avec nos pensionnaires retraités. Aujourd’hui, les anciens maîtres sont devenus des amis. Les moments de complicité et de partage entre l’ancien maître et son chien sont toujours aussi forts.
Mine de rien, devenir Famille de Retraite, c’est un acte très important humainement parlant qui permet de dire merci à l’animal, car c’est grâce à eux que les liens se créent.
Pour résumer, une famille de retraite, c’est :
- un contact humain très agréable,
- la compagnie de toutous adorables qui méritent qu’on s’occupent d’eux,
- aider l’association qui nous tient à cœur.
Quelles sont les raisons qui vous ont poussés à devenir famille de retraite ?
On a toujours eu des chiens et on connaît le parcours qu’ils peuvent avoir quand ils vieillissent, donc nous savions à quoi nous attendre en nous engageant. Nous souhaitions vraiment avoir une présence plus importante vis-à-vis de l’École et ne plus rester de simples donateurs.
Le besoin de familles de retraite est permanent, j’espère que notre témoignage suscitera des vocations chez les personnes qui souhaitent s’investir pour les Chiens Guides de Paris. Nous faisons partie d’une grande chaîne de solidarité, nous ne sommes peut-être pas le maillon le plus important, mais nous contribuons, à notre niveau, à accompagner les chiens avec tout l’amour possible.
C’est vraiment un investissement global, plus fort que le don ! Nous en connaissions les implications et étions prêts à les assumer. C’est un investissement global que nous souhaitions faire, pour Stéphane, éducateur et en charge du suivi des chiens guides retraités, et pour toute l’équipe du Suivi de l’École.
Sur le plan émotionnel, c’est très fort ! Ce sont des chiens qui ont reçu une belle éducation et qui ont besoin de présence et d’attention. Une de nos missions en tant que Famille Retraite est de les accompagner dans ce changement de vie. Bien qu’ils ne soient plus que des chiens de compagnie, certains gardent des habitudes de guidage, comme Eléa, qui marche toujours du même côté lors des sorties en forêt.
Quand ils s’en vont, c’est effectivement très douloureux… On ne compte pas l’amour qu’on leur donne. Même s’ils restent jusqu’à la fin les chiens de L’École, ils sont une partie intégrante de notre vie.
En tant que famille de retraite d’un chien guide, quelles sont les conditions pour le devenir et comment gérer son quotidien avec un chien guide ?
L’École envoie un dossier complet afin de connaitre au mieux notre quotidien et quelles sont nos envies. On doit également envoyer des photos de notre habitation et de notre environnement. Les chiens guides retraités ont le droit au grand air et aux longues promenades en pleine nature. L’Association prend contact avec nous afin d’approfondir le dossier et déterminer quel profil sera présenté au maitre du futur chien retraité.
Nos chiens ont passé des jours heureux à la campagne au sein d’un foyer aimant de 400m2. Ils ne boudent jamais les balades matinales et les après-midi à nos côtés. Nous avons habité en centre-ville, aujourd’hui nous habitons tout près d’une forêt… c’est le cadre que nous avons souhaité donner à tous nos toutous.
Bien sûr la relation avec l’Association se fait sur la durée, nous gardons un contact permanent avec l’École qui veille au bien-être de ses chiens. C’est un vrai dialogue qui s’installe entre nous et le pôle du suivi, cela fait partie du contrat moral. Le contact n’est jamais rompu et les lourdes décisions se prennent ensemble. Il n’y a pas de réelle surprise lorsque l’École apprend une mauvaise nouvelle, mais elle nous accompagne tout du long.
Aujourd’hui, on a la chance, ma femme et moi, d’avoir « fait nos preuves » et nous pensons apporter une certaine sérénité, une expérience rassurante pour le maitre comme pour l’École et une attention portée à tous les chiens guides retraités que nous avons.
Que vous apporte cette présence au quotidien ?
Justement, une présence, un amour. On ne ferait pas ce type de mission si ce n’était pas quelque chose de déjà vécu. Il y a cette notion de participer et d’aider qui est très importante pour nous. Ces chiens sont comme les nôtres, ce sont bien plus que des chiens guides d’aveugles retraités pour nous… Ces chiens donnent et donnent encore, à nous, de leur renvoyer l’ascenseur en les accueillant et les accompagnant, tout simplement pour leur dire merci.
Un souvenir ou un évènement qui vous a marqué ?
Balto était un chien très calme et très bien éduqué, durant toute la période où on l’a accueilli, il n’a aboyé qu’une seule fois. J’ai eu la chance d’être présent à ce moment-là. Après avoir aboyé, il s’est retourné vers moi et m’a regardé avec une expression de culpabilité, comme s’il avait fait une faute. Je l’ai pris dans mes bras, rempli d’émotion, et on s’est regardés jusqu’à ce que ce regard dans ses yeux disparaisse. Tout se passe dans les yeux et dans le regard, ce sont des chiens extrêmement expressifs. Nous devons juste en prendre conscience et « écouter » lorsqu’ils nous regardent.
Décembre 2021