Père de famille, professeur de métier, randonneur aguerri, et accompagné quotidiennement d’un chien guide que Nasrédine a désormais passé la moitié de sa vie.
Maître d’Hugo, de Sully, de Fado puis Poppy, Nasrédine a toujours été émerveillé par la vivacité et l’intelligence de ces chiens hors normes.
Qu’est-ce qui vous a poussé à faire une demande de chien guide ?
J’ai toujours beaucoup aimé les chiens. J’ai eu un chien quand j’étais jeune, et je me sentais à l’aise avec lui. Lorsque j’ai vu que je pouvais faire une demande, j’ai choisi de lier l’utile à l’agréable.
J’ai tout de suite tout mis en place pour que ce soit le plus facile possible et que mon projet puisse se concrétiser. Ce qu’on peut dire, c’est que je n’ai pas beaucoup hésité ! Je savais que c’était ce qu’il y avait de mieux à faire, et je ne regrette en rien.
J’ai eu mon premier chien en 1996, et j’avais 23 ans. Ça fait maintenant 26 ans que j’ai un chien. Je peux dire que j’ai passé la majeure partie de ma vie accompagné d’un chien et j’aurais du mal à m’en passer.
Pouvez-vous nous parler de votre handicap ?
Je suis déficient visuel de naissance, je perds la vue depuis l’âge de 3 ans. Parfois je vois un peu la lumière, mais de moins en moins. Il y a des moments où je crois que la lumière est allumée alors que ce n’est pas le cas, et vice versa. Aujourd’hui, je suis considéré comme aveugle et non malvoyant.
Qu’est-ce qui a changé dans votre quotidien ?
L’autonomie ! J’ai l’impression d’avoir fait plus de choses que si je n’en avais pas eu. Je vais partout de moi-même, ça m’a apporté beaucoup d’indépendance.
En plus de ça, le fait de s’occuper d’un animal est gratifiant, je joue beaucoup avec lui, ce sont des moments de partage très agréables. J’ai l’impression de bouger un peu plus, aussi. On est tout le temps dehors quand on un chien.
Comment décririez-vous le lien que vous avez avec Poppy, et avez eu avec vos chiens précédents ?
Le chien, on le garde généralement entre 8 et 9 ans. Quand j’ai eu mon premier chien, Hugo, tout était nouveau, c’était la fin de mes études et le début de ma vie professionnelle. J’ai eu mon premier fils à ce moment-là aussi. Hugo avait déjà 3 ans, c’était un labrador sable. Il était tout beau, câlin, très gentil. Je l’associe personnellement à mon fils aîné.
Le deuxième s’appelait Sully. C’était le chien de la famille. Il m’accompagnait à l’école pour mon premier enfant, et à la crèche pour y emmener mon deuxième. Les gens que j’ai connus se rappelaient bien de Sully, ils me resituaient grâce à lui.
Le troisième, c’était plus mon chien à moi. Il s’appelait Fado, c’était un barbet, plutôt petit, noir et tout bouclé. C’était le chien du boulot, tout le monde l’adorait, et les gens ont appris à connaitre sa race. On se ressemblait tous les deux d’ailleurs, on était tous les deux bouclés, on faisait la paire ! Il est à présent à la retraite chez une collègue de bureau. Quand je suis parti à l’étranger, deux ou trois fois, elle l’a pris chez elle et ils s’entendaient très bien. Quand je lui ai annoncé qu’il devait partir à la retraite, elle a proposé de le garder. Je suis très heureux d’avoir régulièrement des nouvelles de lui.
Le dernier, c’est un peu le chien du couple. J’ai eu Poppy au moment du départ des enfants. La maison était vide tout à coup, alors c’est comme si Poppy était mon troisième enfant.
Je dirais que chaque chien correspondait à une période particulière de ma vie.
Trois adjectifs qui décriraient Poppy selon vous ?
Il est collant, très affectueux, c’est un beau labradoodle qui a de la classe. Il est très joueur, et j’aime bien dire qu’il est épicurien. C’est un chien qui aime le soleil, dès qu’il voit un rayon, il se met les quatre pattes en l’air. Il est vraiment facile à vivre, c’est un bonheur au quotidien.
Je suis prof, et même quand le principal vient me parler de boulot, il caresse le chien à côté. Tout le monde l’aime, c’est formidable. On m’arrête dans la rue, j’ai l’impression que je suis avec une star. J’ai des scènes que je n’avais pas avec les trois autres, des gens qui m’interpellent pour complimenter mon chien et me poser beaucoup de questions. C’est assez incroyable.
On va beaucoup plus vers vous quand on a un chien qu’avec une canne. Quand on marche, on est à égalité avec les gens. Et les gens se souviennent aussi de moi grâce au chien ! Il devient un élément principal de ma vie. Quand je croise d’anciens élèves, les nouvelles du chien sont presque demandées avant les miennes. Ils tissent aussi un lien avec lui, parfois surmontent leur peur. J’ai toujours été impressionné par la sensibilité et l’intelligence de mes chiens. Ils repèrent un parcours, et il me suffit de prononcer un seul mot pour qu’ils aillent au bon endroit. Parfois je ne dis rien, mais je mets juste un vêtement particulier et ils me mènent au bon endroit !
Quel rôle a joué l’École dans votre suivi ?
Tout s’est très bien passé, l’École a toujours été très à l’écoute. Je n’ai pas trop attendu entre les chiens, juste assez pour faire mon deuil du précédent. Ils trouvent toujours des solutions et me disent comment faire quand je rencontre un problème, c’est super. Ils sont aussi très disponibles. J’habite en Bretagne maintenant, mais je suis resté fidèle à l’École de Paris. On se connait, on échange facilement et régulièrement, c’est agréable.
Avez-vous un souvenir à nous partager ?
J’en ai plein ! Il y a des moments difficiles aussi, comme les séparations. C’est délicat, on passe 8 ans avec le chien et ce sont des tranches de vie qui partent. Mais les moments heureux compensent toujours.
J’habite maintenant près de la mer, et mes chiens ont souvent découvert la mer à mes côtés. Sully, par exemple, était tellement content qu’il a fait tomber ma femme dans l’eau !
Fado, lui, n’aimait pas vraiment les autres chiens, et un jour il s’est mis à jouer comme un fou avec un congénère. Je me suis approché des propriétaires, et j’ai appris que le chien d’en face était aussi un barbet qui n’était pas à l’aise avec les autres chiens. Entre barbets, ils se sont adorés.
J’ai de merveilleux souvenirs avec chacun d’entre eux.
Février 2022