Un binôme, c’est deux meilleurs amis qui se rencontrent …

Claudite nous parle de son expérience  avec Poé et Ruben.

Autrefois, elle était en binôme avec Poé durant 3 mois. Après quelques essais, on lui attribue Ruben, son nouveau chien guide. 

 

Quels sont les changements que vous avez constatés dans votre vie quotidienne depuis l’arrivée de votre chien guide ? Qu’est que votre chien guide vous a permis de faire/accomplir, par exemple ?

 

C’est surtout beaucoup plus d’autonomie, dans les déplacements, dans les choses que j’évitais de faire. Je vais plus volontiers à mes rendez-vous, faire les courses, c’est beaucoup moins pénible que lorsqu’on est à la canne. Un chien guide, ça apporte aussi beaucoup sur le plan affectif parce que c’est une compagnie, Ruben est très très affectueux, c’est le « plus du plus », il est très à l’écoute, c’est vraiment une présence, il prend sa place entière à la maison, c’est un membre de la famille, avec mes petits-enfants aussi, il est adorable. En dehors de cela, pour circuler, c’est un confort. Je fais beaucoup plus d’activités, je donne des cours de Braille à Vincennes, à Paris… je vais aussi au sport, je fais des balades : c’est vraiment un plaisir de sortir avec lui et c’est une notion que nous n’avons pas la canne.

 

Les moments de difficultés avec un chien guide peuvent aussi arriver mais dans ce cas-là, on sait que l’École est là, l’équipe intervient, on revoit les petites choses puis ça repart. La technique de canne est très fatigante, on est plus tendu, ça demande beaucoup plus de vigilance parce qu’il faut faire attention à tout. Personnellement, je ne me sens pas la même quand je suis à la canne et quand je suis avec mon chien guide, je ne suis pas la même personne.

 

Comment décririez-vous la relation que vous avez avec votre chien guide ?

 

Nous sommes un vrai binôme, je lui fais vraiment confiance, il est très sensible, affectueux, c’est compliqué à décrire. Ça se passe très bien, il aime beaucoup le contact physique, il est très joueur. C’est un petit enfant, il est content quand on se dit bonjour le matin, quand on joue, quand on est prêt à sortir : c’est vraiment beaucoup de plaisir.

 

Avant de vous remettre Ruben, l’École vous avait attribué Poé, une chienne labrador. Votre binôme n’a pas fonctionné. Pouvez-vous nous en dire plus ?

 

Poé, je l’ai eu pendant 3 mois, j’ai fait le stage de remise à domicile et ça n’a pas fonctionné. Je pense qu’elle avait un manque de motivation, j’ai ressenti la chose comme ça. Quand j’avais l’éducatrice à mes côtés, ça a été mais quand j’étais seule avec elle, je n’ai pas réussi à lui donner envie de travailler. Par exemple, quand je sortais le harnais, elle retournait dans son panier, dans la rue, je devais absolument la stimuler sinon elle n’avançait pas.

 

On essayait avec l’éducatrice de trouver des solutions mais petit à petit, ça m’a découragé, je me disais “non ça ne fonctionne pas… est-ce que ça vient d’elle, est-ce que ça vient de moi ?” Ça nous oblige aussi à nous remettre en question, cela venait peut-être de moi … Je n’arrivais pas à trouver d’entente, moi j’ai ressenti un manque de motivation mais est-ce que cela aurait fait pareil avec quelqu’un d’autre ? Quand on a fait le pré-stage et l’essai à domicile, dans notre tête on se dit “ça y’est c’est parti” ! Donc c’est vrai que c’est compliqué, on s’attache au chien, mais quand ça ne va pas, mieux vaut arrêter tôt pour nous deux, parce que le but est que ça fonctionne. L’École a été très réactive car je ne suis pas restée sans chien très longtemps, on m’a présenté Ruben et nous avons directement accrochés.

 

L’éducatrice, responsable du suivi des binômes à l’École, vous a accompagné dans votre quotidien pour trouver des solutions aux difficultés rencontrées. Laurence, pouvez-vous nous en parler ?

 

Laurence : On a travaillé en plusieurs étapes. Tout d’abord de l’écoute et du travail. L’alerte exprimée par Claudite vis-à-vis de son binôme avec Poé a déclenché une analyse de situation puis de nombreuses séances pratiques sur le terrain avec son éducatrice, Aurore. Et finalement la décision commune d’arrêter le binôme a été prise. Commune, c’est-à-dire avec le maitre, son chien et les professionnels de l’École.

C’est courageux de dire stop ! Car cette situation est compliquée, on est dans le vivant, avec beaucoup d’affect.

De plus, tout le monde s’est investi pour que le binôme fonctionne, que ce soit affectivement, professionnellement ou financièrement.

Vous savez, un binôme, c’est deux meilleurs amis qui se rencontrent …et qui vont être meilleurs amis durant de longues années. On ne peut pas imposer ce lien si fort, s’il n’est pas sincère. Car ce serait oublier cette notion de respect et forcer soit le maitre soit le chien à aller contre sa nature.

Cette séparation est douloureuse pour tout le monde, mais elle aussi libératrice et va permettre d’avancer plus loin.

Le constat était là : Poé s’est révélée plus routinière que nous l’avions identifiée et Claudite plus dynamique.

 

La deuxième étape est de se projeter. Il s’agit de déterminer l’environnement le plus adapté à Poé et d’identifier un nouveau chien guide répondant mieux aux besoins de Claudite. C’est là que le travail d’équipe de l’École est important et c’est une mobilisation qui nous concerne tous.

Parmi tous nos élèves chiens guides en cours d’éducation, c’est Ruben qui a été présenté à Claudite : sa taille, sa vitesse de marche, son degré d’assurance et son charme ont redonné un large sourire à Claudite.

Parallèlement, Poé a eu besoin de retrouver une stabilité. Pour cela, elle a d’abord retrouvé tous ses repères connus : l’École de Chiens Guides de Paris, son éducatrice et ses copains chiens. Puis très vite, elle a été présentée à Marie-Thérèse.

 

Après l’arrêt de votre remise avec Poé, celle-ci a été attribuée à une autre maîtresse déficiente visuelle. Laurence, comment fonctionne ce nouveau binôme ?

 

Laurence : Nous avons évalué Poé sur ce qui n’avait pas fonctionné avec Claudite et a pris du recul. Poé avait finalement besoin d’une vie calme et routinière, de travailler sur des trajets connus et d’avoir une place quasi exclusive auprès de son maitre.

Elle a été attribuée à une personne plus sédentaire que Claudite, avec des déplacements calibrés et routiniers : Marie Thérèse. Désormais, Poé et Marie-Thérèse sont heureuses comme tout : Marie-Thérèse a moins d’activité à l’extérieur et consacre beaucoup de temps aux câlins et au jeu dans le jardin avec sa chienne. Poé n’a pas envie de faire 1000 choses et excelle davantage dans le calme, les caresses, le trajet de la boulangerie et la détente dans le bois de Vincennes. Là où certains chiens s’ennuieraient, comme Ruben par exemple, Poé est épanouie, sereine et équilibrée.

Avec Marie-Thérèse, Poé est en harmonie et c’est un beau binôme.

Claudite : Il faut trouver le bon train de vie, il faut que ce rythme corresponde aux deux et avec Poé ce n’était pas mon cas.

 

Quel serait votre mot de remerciement à adresser à nos donateurs qui ont permis de financer la remise de votre chien guide ?

 

Je remercie les personnes qui donnent pour les chiens guides, c’est tellement important pour nous, ça représente tellement et je suis admirative parce que c’est une bonne action. Je remercie aussi les familles d’accueil qui prennent les élèves chiens guides dès qu’ils sont tout petits pour leur formation, aussi bien les familles relais, les éducateurs, les familles d’élevage, tous les bénévoles et les salariés de l’École de Chiens Guides de Paris. Il y a un travail énorme. Financièrement c’est énorme et ça coûte, mais grâce à cet investissement, cela nous permet d’avoir une seconde vie.

 

Février 2024