Bonjour Valentine, merci d’avoir accepté cette interview. Vous êtes actuellement en attente d’un chien guide de l’École de Chiens Guides de Paris. Merci de nous faire confiance.
Qu’est-ce qui vous a poussé à faire une demande de chien guide ?
Je suis malvoyante de naissance, j’ai une forme évolutive, et ces dernières années, ayant perdu beaucoup d’acuité visuelle, je me suis davantage retrouvée confrontée à un besoin d’autonomie là où je pouvais me débrouiller sans canne et sans aide auparavant pour me déplacer. Cette forte perte d’acuité visuelle m’a amenée à me renseigner sur les solutions possibles.
J’ai été élevée comme une personne voyante, il s’agissait d’un choix de mes parents qui ne voulaient pas que je m’identifie avec ce handicap. Ainsi, quand j’ai dû y faire face, ce fut une découverte, j’ai dû faire mes recherches. Il y a cinq ans, j’ai commencé à utiliser la canne blanche. Cependant, j’ai vite été limitée. En plus de ma malvoyance, je suis extrêmement sensible à la lumière, ce qui rend mon orientation d’autant plus compliquée, un chien guide me semblait alors être une bonne solution.
En faisant mes recherches sur internet, je suis tombée sur le site de l’École de Chiens Guides de Paris. Tout le contenu présent m’a permis de trouver les informations que je n’avais pas réussi à me procurer autre part. Du coup, en juillet dernier, j’ai sauté le pas et j’ai appelé l’École pour savoir quelles étaient les démarches pour obtenir un chien guide. Audrey, du pôle attribution suivi et services, a pris le temps d’en discuter avec moi, c’est ainsi que tout a commencé.
Quelles ont été les étapes à la suite de cela ?
Audrey m’a redirigée vers Laurence qui travaille également au pôle attribution. J’ai eu un rendez-vous avec elle durant lequel elle a réussi à me cerner en dix minutes seulement. Elle avait compris mon besoin, quel type de chien pourrait me convenir et ma façon de penser… J’ai trouvé cela époustouflant. C’était assez magique d’être assise face à une personne qui ne me connaissait pas, mais qui a tout de suite tout compris sans que j’ai besoin de beaucoup m’expliquer.
Cela résume un peu la sensation de tout le processus avec l’École de Chiens Guides de Paris. Même si on ne se connaît pas personnellement, les personnes qui y travaillent sont tellement impliquées qu’elles arrivent à savoir exactement quels sont mes besoins, de quoi je suis capable, tout en respectant mes limites.
À la suite de cet entretien, j’ai eu des séances de locomotion à l’école et aux alentours avec Dimitri. C’était vraiment super intéressant, c’est comme si on m’apprenait à déchiffrer mon environnement d’une manière que je n’avais jamais envisagé, dont je n’étais pas consciente. Il m’a sensibilisée par exemple à la circulation, forcément, je n’ai pas le permis, *rires* et ce n’était donc pas quelque chose que j’avais forcément envisagé de la manière dont Dimitri l’a fait. On a également fait des séances près de mon domicile et ce qui est amusant, c’est qu’avant mon premier rendez-vous à l’École, cela faisait près de trois ans que je n’étais pas sortie seule de chez moi parce que j’avais perdu confiance en mon corps, en mes capacités d’autonomie.
Du coup, lorsque je me suis présentée à l’école, j’étais quelqu’un qui avait totalement perdu sa capacité d’indépendance alors que je suis par nature super indépendante. Et dès que j’ai commencé le processus, on m’a fixé des challenges complètement appropriés à mes capacités, rien d’anxiogène, comme par exemple me rendre à nos rendez-vous en PAM ou en Uber puis finalement seule en métro. Le fait que l’on croit en moi a permis que je regagne confiance en mes capacités.
A l’École de Chiens Guides, je suis challengée. Par exemple, quand j’ai commencé les séances de locomotion, ils m’ont demandé de faire une liste de mes envies et besoins. J’avais notamment besoin de me rendre régulièrement à la Gare du Nord, mais ma perte d’acuité visuelle ne me le permettait plus. Grâce à nos séances, je peux désormais me déplacer, trouver mes repères dans la gare et même trouver mon quai !
Je n’étais pas du tout consciente que j’allais être accompagnée avant la remise de mon chien guide et cela a été une très belle surprise pour moi.
Que faites vous plus généralement dans la vie aujourd’hui et comment vivez vous avec votre malvoyance ?
Je me lance en tant que life coach. J’ai toujours été passionnée de psychologie, et de tous les sujets qui touchent aux relations interpersonnelles. Je m’y suis toujours intéressée et j’ai envie de partager ce que j’ai appris avec d’autres personnes. C’est un métier qui convient aussi à mon handicap : j’ai besoin d’être dans le dialogue et l’écoute et je peux exercer ma profession depuis mon domicile, en ligne. Ma vision n’est pas la même d’un jour à l’autre, ce qui est assez déstabilisant. J’ai alors décidé de ne pas essayer de m’adapter à tout prix. Je travaille sur mon site, je veux aussi créer du contenu sur les sujets qui m’intéressent : la malvoyance, le développement personnel etc.
Par ailleurs, à partir du moment où j’ai commencé le processus d’obtention d’un chien guide avec l’École, j’ai voulu aborder le sujet des chiens guides dans mes vidéos. Je trouve que la cause n’a pas assez de visibilité sur les réseaux sociaux ou dans les médias. Si l’on n’est pas directement concerné par le handicap, ou que l’on n’est pas le proche de quelqu’un concerné, ces sujets-là ne sont pas forcément bien compris ni bien connus.
Je veux aussi partager mon enthousiasme quant à mon expérience avec l’École de Chiens Guides de Paris. C’est une expérience tellement incroyable et un privilège tellement grand que de pouvoir avoir accès à ses services et à des personnes aussi professionnelles, compétentes et qui offrent des choses aussi précieuses. Je suis ravie et je veux montrer de la gratitude face à ces belles choses.
Je commence à me projeter sur mon avenir avec mon futur chien guide, c’est, entre autre, de la curiosité et l’envie d’être plus autonome qui me font y penser quotidiennement.
Décembre 2021